Make circle move with finger

SILJE LINGE HAALAND

8 octobre — 9 décembre 2020


Pour sa première exposition personnelle en France, l’artiste norvégienne Silje Linge Haaland présente « Make circle move with finger », une nouvelle installation sonore et vidéo qui explore le comportement humain face à une réalité chargée d’extase, de désespoir et d’épuisement.

C’est la « chaîne humaine » le point de départ du projet. Cette action collective et solidaire, dans laquelle plusieurs personnes, main dans la main, se mobilisent pour des causes sociales et politiques, s’inscrit dans des circonstances spécifiques, par exemple pour déplacer rapidement des objets d’un endroit à un autre, former des rangs lors de manifestations, sauver une personne d’une mer agitée ou encore fouiller une zone donnée pour retrouver une personne ou un objet disparus.

En croisant investigations filmiques de paysages, animations 3D et images trouvées, Silje Linge Haaland interroge et manipule constamment son environnement naturel et numérique pour accentuer le caractère hybride de notre réalité. Opérant comme une chirurgienne, l’artiste extrait des éléments intrigants – des captures et des ornements issus du scénario filmé –, les laissant surgir de l’écran vers la salle d’exposition comme des répliques ou des débris de la vidéo. L’espace devient ainsi une scène théâtrale changeante dans laquelle des formes réfléchissantes, des tapis, des pigments, des compositions de lumière et d’ombres s’entremêlent et amplifient l’imagerie narrative.

Résonnant ou interférant d’une scène à l’autre, le flux de séquences visuelles établit différents niveaux de rythme et d’énergie. L’artiste déconstruit toute sorte de narration linéaire et temporelle dans l’expérience visuelle, en révélant silencieusement les éléments implicites de la vidéo : sa technique de tournage, la récurrence du mouvement circulaire, la composition sonore immersive et le sentiment inquiétant qu’il manque quelqu’un ou quelque chose.

La vidéo démarre par une animation 3D d’herbes de la pampa dans un paysage semi-désertique, tournant sur son axe pour accentuer la circularité du récit. Dans une atmosphère sombre, les images se succèdent dans un flux dynamique : un pointeur de souris visitant un paysage indéfini sur Google Street View qui s’attarde sur des détails apparemment futiles ; des mains tenant un pigeon, hypnotisé par un mouvement circulaire de l’index ; des mains entrelacées dansant sur la surface de l’écran jusqu’à devenir des formes abstraites et liquides ; la vibration d’un téléphone portable, annonçant la présence d’eau – d’ailleurs un autre élément fondamental de la vidéo : le paysage sonore est en effet inspiré par un bruit d’écoulement afin de renforcer l’impression visuelle que la vidéo a été plongée dans un verre d’eau.

Le rythme des visions s’accélère en dévoilant des fragments d’expériences et de perceptions sans qu’aucun lien clair ne soit établi : un duo d’enfants danse sur une scène ; un homme chavire en boucle sur son canoë ; un close-up sur un violoniste s’intercale entre deux rendus 3D représentant des récipients remplis d’eau.

L’œil de la caméra explore les paysages environnants, regardant sans vraiment voir, comme s’il était affecté de myopie. Bien que les personnages et leurs gestes pointent vers quelque chose pour potentiellement en révéler une interprétation précise, les images qui s’écoulent dépeignent une série de non-lieux, de paysages génériques, sans éléments significatifs susceptibles de les situer, rendant impossible l’extrapolation d’un récit. L’œuvre vise ainsi à transmettre une impression de manque de détails éclairants dans un perpétuel questionnement… Suis-je perdu ? Est-ce que je tourne en rond ?

Le fait de chercher sans succès est émotionnellement et physiquement épuisant, en raison de l’intensité et de l’effort fournis pour trouver des méthodes alternatives. La recherche des éléments manquants ne s’arrête jamais, comme le flux d’images et d’informations qui se déploie dans la vidéo. Par l’adoption du terme « desperation-animations » pour décrire ses œuvres, l’artiste vise à créer un parallèle entre l’intensité vibrante et le chevauchement chaotique de ses séquences visuelles, et la condition croissante d’épuisement de notre réalité. Silje Linge Haaland considère que la réalité a été exponentiellement élargie et saturée, culminant dans son propre épuisement total, dû au pouvoir de domination de la technologie et de la présence écrasante d’informations et de désinformation.

Silje Linge Haaland (Bergen, Norvège, 1984) vit et travaille à Oslo. On compte parmi ses expositions internationales récentes « Among », Galleri K (Oslo, 2019) ; « SonADA » (Aberdeen, 2015) ; « Lawn », Blokk (Bergen, 2018) ; « Queue », Kunstnerforbundet (Oslo, 2018) ; « The brain is too close to the mouth », Podium (Oslo, 2016) ; « Gjennvinningen », Kristiansand Kunsthall (Kristiansand, 2017) ; « Chiroptera, blaring elevator stops. Dings with Christian Tony Norum and friends », Munchmuseet (Oslo, 2016).

L’exposition a été réalisée grâce au généreux soutien de l’Office for Contemporary Art Norway (OCA) et de l’Ambassade Royale de Norvège à Paris.