Resource Operations (Part II) Eden Park

Antoine Renard

12 janvier — 12 février 2017


In extenso présente Resource Operations, une exposition personnelle d’Antoine Renard en deux volets, dont le premier (Part I) – The Monks’ Corridor se déroule simultanément à Tlön (Nevers), alors que nous accueillons dans nos murs (Part II) – Eden Park.

Antoine Renard scrute le monde et ses créations naturelles ou artificielles dans le but d’échafauder une sorte de futurisme à rebours de celui du début du XXème siècle. Il use d’une multitude de formes, médias et matériaux lui servant à réaliser des environnements narratifs, des espaces flottants dans lesquels le corps et les sens prennent part à une escapade imaginaire où s’entremêlent différentes temporalités. Ses réalisations révèlent davantage un procédé en cours qu’un produit achevé, un état psychologique du monde, évoluant sans cesse, fluctuant et imprévisible. Son travail est symptomatique de ce que le monde néolibéral digitalisé produit au jour le jour, et reflète la folie destructrice qui se duplique jusque dans la plus minuscule parcelle cellulaire de nos corps. C’est également là que vient s’engouffrer l’art d’Antoine Renard, dans la biogénétique, la chirurgie esthétique, dans cet immémorial besoin chez l’être humain de se régénérer grâce à la technologie afin d’échapper à la mort. Mais aussi dans les bactéries, les virus qui circulent autant dans les réseaux sanguins que dans les réseaux informatiques, là où les câbles électriques semblent fusionner avec les artères. Son approche révèle une fascination pour ce monde qu’il tente d’incorporer, d’accepter, dans ce qu’il a de plus ténébreux.

À Tlön, déployée sur l’ensemble des salles habituellement inaccessibles aux visiteurs, l’intervention d’Antoine Renard a d’abord consisté à retirer l’agencement scénographique du lieu afin de révéler l’organisation de l’espace précédente, celle d’un magasin informatique. L’espace mis à nu, fermé sur l’extérieur et faiblement éclairé se compose de grilles métalliques et rails aluminium encadrant un parcours d’impressions numériques, de sculptures et de vidéos. Celles-ci figurent un ensemble de visions assistées par ordinateur, scans IRM et vues aériennes, dessinant un paysage cérébral à la fois méditatif, claustrophobique et proliférant. Comme matrice formelle et conceptuelle de cette installation, l’artiste s’est intéressé au syndrome de Cotard : une forme extrême d’hypocondrie laissant penser au patient que ses organes se décomposent, qu’ils lui ont été retirés ou qu’il serait parfois même déjà mort. Si cette pathologie est aujourd’hui étudiée afin de mieux comprendre comment se forme la conscience de soi d’un individu, elle devient dans The Monks’ Corridor métaphorique d’un contexte social, politique et écologique altéré par toutes sortes de démences démiurgiques.

L’installation Eden Park à In Extenso a été développée à partir des prises de vue de drone du cimetière Jean Gautherin, que l’artiste a filmé lors de son passage à Nevers. Prises de dessus à 90°, les images laissent apparaître l’organisation extrêmement rationnelle du cimetière, effaçant les ornements individuels et dévoilant chaque tombe comme un bloc évoquant les bornes de stockage de données numériques, ou data center. Partant de cette vision bidimensionnelle, Antoine Renard  présente une série de sculptures à mi-chemin entre vitrines, sarcophages et racks informatiques. S’intéressant à la figure du paranoïaque, il s’inspire d’un fait divers de 2004, lorsqu’un jeune schizophrène adepte de jeux-vidéo et de science-fiction a assassiné deux infirmières pensant qu’il s’agissait de zombies à la solde d’extraterrestres extrémistes. En reconstruisant le paysage psychologique imprégné de réalité virtuelle du tueur, Antoine Renard questionne un réel dans lequel la manipulation émotionnelle et affective semble l’emporter sur l’objectivité des faits. Bienvenue dans le monde post-factuel. 


Antoine Renard
né en 1984 à Paris
vit et travaille à Berlin
www.antoinerenard.net