Culture Pop Marauders

Annabelle Arlie, Melanie Bonajo, Anne Bourse, Lorraine Châteaux, Gaëlle Choisne, Jade Fourès-Varnier, Amandine Guruceaga, Anne Renaud et Caroline Saves

17 novembre — 4 décembre 2016


In extenso hors-les-murs à Mains d’Œuvres, Saint-Ouen


Avec les œuvres de Annabelle Arlie, Melanie Bonajo, Anne Bourse, Lorraine Châteaux, Gaëlle Choisne, Jade Fourès-Varnier, Amandine Guruceaga, Anne Renaud et Caroline Saves

Grandir dans les années 901 et devenir artiste par la suite, génèrent souvent des démarches artistiques très différentes de celles apparues durant cette décennie. Les récentes expositions ayant eu cette période pour sujet ne disent pas ou peu ce que la culture au sens large de cette époque a pu produire et la manière dont elle a pu former l’esprit des enfants et adolescents. Bien qu’ils n’y soient pas indifférents, ce n’est pas essentiellement l’art des années 902 qui a façonné le goût et les orientations esthétiques des artistes actuellement trentenaires (rares sont les enfants se rendant spontanément dans les lieux d’art contemporain), mais une culture populaire largement diffusée par les média de l’époque comme la télévision, la radio et les magazines. Une culture (sportswear, street culture, packaging, musique, design domestique, cultural studies, clips vidéo, blockbusters, banalisation des drogues…) dont ils sont si imprégnés qu’ils se sentent libres et décomplexés à son égard, jusqu’à la placer au cœur de leur travail, non pas symboliquement (stratégie du pop art), mais en utilisant ses attributs comme ingrédients, matière première, sens et fonction originels étant la plupart du temps évacués.

Parallèlement, les années 90 confirmaient la généralisation des postcolonial studies hors du champ universitaire, le changement des mentalités vis-à-vis des ex-colonisés et la relative amélioration de l’acceptation des minorités, par le biais de la culture de masse (comme l’influence de la culture hip-hop chez les adolescents blancs des classes moyennes par exemple). La prise de conscience du problème postcolonial ne s’est donc pas fait directement par le biais des canaux académiques d’Edward Saïd ou de Gayatri Spivak, mais plutôt par les messages de rappeurs tels que A Tribe Called Quest ou KRS-One, la techno, les Jordan, les films de Spike Lee ou peut-être même les incontournables, bien que douteuses, campagnes de publicité Benetton. On assistait alors à une sorte de « créolisation » effective, un bariolage culturel semblable à celui multicolore et multi-motifs des tissus africains.

Peut-être est-ce aussi l’occasion de mesurer en quoi les postcolonial studies, le féminisme et les cultural studies, autant de courants théoriques ayant investi la sphère des media hors du champ académique durant la dite décennie, ne sont plus une fin en soi pour ces artistes ayant absorbé leur enseignement, mais n’en faisant pas pour autant le fondement de leur pratique. Loin de dénier l’importance de ces questions, il s’agira plutôt ici de les surpasser de manière à construire un nouveau langage plastique qui ne s’y complait pas et ne nourrit pas un sentiment de culpabilité et de gêne sclérosante vis-à-vis de l’Histoire.

Après l’influence des années 60 et 80 dans la création et la mode de ces quinze dernières années, c’est au tour des années 90 de percer, et de se diffuser aujourd’hui, ce dont témoignent peut-être les œuvres des artistes proposées ici, mais aussi plus globalement leur goût, leur penchant politique, leur préférence musicale, leur choix vestimentaires… Car ce sont également tous ces détails, à priori insignifiants, qui font œuvre. Il ne s’agit pas à proprement parler de nostalgie puisque cet intérêt pour les années 90 n’est pas exclusif de ce qui se fait actuellement, ni ne rejette les influences précédentes : comme le reste, il vient se fondre dans ce grand bariolage culturel qui pourrait être celui de notre époque, fait d’une pléthore de références, dont les origines souvent incertaines alimentent favorablement la création au sens large.

                                                                               Benoît Lamy de La Chapelle
 


1_Ceci n’est pas une exposition de type « générationnelle », ni une exposition sur les années 90.
2_Esthétique relationnelle, Young British Artists, Art génératif, Net art, le sida, « Body politic » et politiques identitaires…


En partenariat avec Mains d’Oeuvres, Saint-Ouen

www.mainsdoeuvres.org